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Il était une fois.......
11 avril 2015

La télé et vous

 

Samedi 11 avril 2015

 

Vous avez demandé la police, ne zappez pas !

Six heures du matin. Massés dans un minuscule couloir, des hommes en combinaison noire se tiennent prêts à défoncer la porte d’un modeste appartement dans une cité. Derrière dort un trafiquant de drogue. Musique angoissante. Une voix off grave rappelle que « la tension est palpable du côté de la police ». Puis, silence. La caméra tremblote. C’est parti : la porte s’effondre, la mère hurle, et le jeune suspect est menotté. Mission accomplie. Ce n’est pas le résumé d’une série policière mais la séquence d’un reportage sur les forces de l’ordre. « On en voit beaucoup comme ça », dit dans un sourire Pierre Guiziou, un commissaire divisionnaire à la retraite qui a travaillé au service communication du ministère de l’intérieur.

Depuis une quinzaine d’années, les chaînes proposent des émissions autour de la police, de la gendarmerie et des douanes. Dans le jargon télé, ce format porte un nom : la « flic story ». Un sujet qui semble inépuisable… Ainsi, TF1 va diffuser « La Brigade », une série documentaire en six volets qui plonge dans l’intimité de gendarmes du sud de la France. Cinq jours plus tard, c’est M6 qui consacre une soirée aux défenseurs de la loi. Ça commence à 20h50 par un « Zone interdite » intitulé BAC contre quartiers sensibles : un quotidien sous haute tension. Puis, à 23 hres, Bavures, corruption, dérapages : quand les flics enquêtent sur les flics, dans la case très gyrophare de Bernard de La Villardière, « Enquête exclusive ».

QUESTION DE TRANSPARENCE

Ce genre de magazines a explosé avec l’arrivée de la TNT : « Au cœur de l’enquête » (D8), « Enquête d’action » (W9), « 90’ enquêtes » (TMC), « Révélations » (Numéro 23), « Terrain d’investigation » (6ter)… Les promesses sont toujours les mêmes : une immersion au cœur d’une unité de choc et de l’action. Beaucoup d’action : gyrophares, courses-poursuites, arrestations, séances de tir… « On revendique le côté spectaculaire, c’est dans l’ADN de la chaîne, explique Frédéric de Vincelles, directeur général de W9. L’action est une manière de raconter l’histoire, et elle fait partie de la réalité. » Et visiblement, cela plaît. L’émission « Enquête d’action » existe depuis neuf ans et ses audiences frisent parfois les 900 000 téléspectateurs. « Ça marche car c’est un univers familier pour le public. On peut y reconnaître son voisin », souligne M. de Vincelles.

Ainsi, comme le résume Bibiane Godfroid, la directrice des programmes de M6, le téléspectateur a l’impression de « voir une fiction en vrai ». « Quand c’est bien fait, vous regardez ces émissions comme une série. » Le tout pour un prix nettement inférieur : entre 15 000 et 40 000 euros pour un cinquante-deux minutes sur la TNT, contre plusieurs millions pour une série. Conséquence, les services de presse de la police, de la gendarmerie et des douanes sont submergés de demandes de la part des sociétés de production et des chaînes

 

En 2013, la police en a recensé 2 000 (un tiers de refus), la gendarmerie 1 176 (40 % de rejet) et les douanes en reçoivent une quinzaine par mois dont seules trois ou quatre aboutissent. « C’est lié à la redondance : soit le sujet vient d’être fait, soit c’est impossible à réaliser », explique Jérôme Bonet, commissaire divisionnaire et chef du Service d’information et de communication de la police (Sicop). « Nous sommes surpris par le côté suiveur de la presse », note-t-on du côté des douanes.

« LE POLICIER DU RÉEL DOIT LUI AUSSI ÊTRE UN HÉROS »

Malgré tout, pour ces institutions, il est capital de laisser les caméras entrer dans leur quotidien. Question de transparence. « C’est un enjeu pour nous, affirme M. Bonet. Nous sommes inondés de fictions policières. Le policier du réel doit lui aussi être un héros. »Ces émissions ont donc pour mission de « valoriser les agents » et de montrer « le travail d’un gendarme moderne, la diversité des spécificités et des missions », selon le lieutenant-colonel Gwendal Durand, chef de bureau du Service d’informations et de relations publiques des armées (Sirpa).

Avant chaque sujet, il y a une discussion entre les sociétés de production et les institutions. « On fait connaissance, on leur demande quel est leur angle, puis on affine le sujet, souligne M. Durand, du Sirpa. Les services essaient de trouver la bonne unité, rien n’est imposé. » Les douanes et la gendarmerie font signer un protocole de bonne conduite aux sociétés de production : respect de l’anonymat, de la procédure judiciaire, floutage des victimes, des suspects, des agents… Et avant la diffusion, ils ont un droit de visionnage « technique », « non pas pour intervenir sur le contenu », comme l’assure le lieutenant-colonel Gwendal Durand, mais pour voir si les conditions ont bien été respectées. La police ne fait plus rien signer, mais reste vigilante sur les documentaires importants.

« Ce qui me dérange, c’est la mise en scène des policiers, regrette Pierre Guiziou, ancien commissaire divisionnaire. On fait mousser un simple vol de portable avec de la musique. » Et dans les milieux policiers, c’est bien connu, si un reportage montre ce genre de larcin, c’est que le journaliste n’a pas eu de chance, il n’a rien eu d’autre à filmer lors du tournage ! « Parfois, certaines émissions parlent d’immersion alors que leurs équipes sont restées deux ou trois jours, raconte Jérôme Bonet, du Sicop. Et ils arrivent à faire un quarante minutes. »

Si le commissaire reconnaît que la plupart des reportages se passent bien, policiers et gendarmes semblent lassés par la multiplication de ces programmes. « Ça donne l’impression qu’on ne voit que ça à la télévision, argue M. Durand, du Sirpa. Nous voulons éviter la saturation. On regarde la ligne éditoriale de la chaîne, son audience, et on voit si elle est cohérente avec notre stratégie de communication. » Conséquence de ce trop-plein, les institutions ont de plus en plus de difficultés à trouver des agents prêts à témoigner. Certains se plaignent d’être reconnus dans la rue, d’autres sont irrités de voir que ces émissions dévoilent des techniques d’enquête.

« Nous ne pouvons plus utiliser un sous-marin », regrette Pierre Guiziou. « Nous avons arrêté un individu et nous avons trouvé des enregistrements d’émissions sur les douanes », précise son service de presse. Le délinquant est aussi un… téléspectateur. Le producteur Tony Comiti, un des premiers à faire du « flic story », à la fin des années 1990, sent ce « ras-le-bol » et prévoit qu’il sera de plus en plus « difficile d’avoir des autorisations ».

Dernière tendance : « De nombreuses productions veulent nous amener vers la télé-réalité, note Jérôme Bonet. On décline, à cause du voyeurisme. Il y a parfois un côté racoleur qui nous échappe. » Le patron de W9 ne partage pas cet avis : « C’est efficace sans être racoleur ou trash, se défend Frédéric de Vincelles. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’émissions, mais il n’y a pas l’air d’avoir de la lassitude du côté du public. »

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Commentaires
C
Vu, revu et revu .. pour finir c'est saoulant ..... Le floutage, les bips pour masquer les noms ..... usant !!!!!
Répondre
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